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JACQUES JOFFRE
En bordure de l'océan déchaîné, l'oeil
aux aguets, Jacques Joffre passe de longues heures a attendre
l'éclairage particulier convenant a la photo qu'il a conçue
dans son imagination. Il reviendra. Une complicité s'est
installée entre lui et ces éphémères
cabanons du bord de plage faits de main d'homme, a la lisière
de l'infini. Emu par le choc des couleurs de ces habitations somme
toute banales, et confronte a la désolation de ces lieux,
le photographe a voulu en extraire le charme ambigu. Sa vision
a été influencée par sa prédilection
poules tendances modernes de l'art pictural et par la fréquentation
des peintres, parmi lesquels sa femme.
Jacques Joffre a privilégié ce sujet par rapport
a d'autres domaines de la photo qui le passionnent également
: ainsi la recherche d'effets spéciaux en laboratoire,
favorisée par sa formation d'ingénieur en chimie,
et le reportage, particulièrement sur les Berbères
du Haut-Atlas marocain (Il est membre de l'agence d'illustration
"Explorer").
Pendant trois ans, ii a été le témoin du
monde désolé de ces cabanons construits sur les
plages océanes du Maroc des l'époque du protectorat
français. Il voudrait d'ailleurs faire éditer un
livre sur ce thème, intitule' "Adieu Gayville".
Cette inscription, écrite maladroitement sur le mur-vestige
de ce qui fut une agréable résidence de villégiature,
semblait attendre Jacques Joffre dont elle symbolisait la démarche.
Dans un premier temps. son regard s'est arrêté sur
le jeu cinétique des ombres et des lumières, les
vibrations dégagées par les couleurs agressives
des murs, aux découpages géométriques et
rigoureux créés par les encadrements des portes
et fenêtres. Puis, des personnages sont venus hanter ces
lieux abandonnés et énigmatiques. Personnages annonciateurs
d'une fin prochaine. Le regard de Jacques Joffre s'est alors orienté
vers le dénouement fatal de ces architectures humaines.
Il nous fait pénétrer cet univers de démolition
et de ruines dont sont extraites les photos présentées
ici. Pour suggérer l'au-delà d'une recherche de
la perfection plastique, un passé à réinventer
et dont il ne reste que des signes. Mais si le souvenir de l'homme
est dérisoire, la vague, elle, s'impose, puissante et éternelle
et il reste toujours une fenêtre, souvent démultipliées,
ouverte sur l'infini comme un appel.
M.-L. J.
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