Page précédente LA LUMIERE DE L'ATLAS

Il en est des bons photographes comme des bons vins : le milieu où ils vivent contribue a leur perfection. Même s'il est né à Perpignan il y a 37 ans, Jacques Joffre est surtout devenu photographe grâce a la chimie, qu'il enseigne au Maroc, a l'amitié de Gérard Del Vecchio, photographe installé à Rabat et à la complicité' de Marie Lydie, sa femme, qui est peintre. L'existence d'un ingénieur-chimiste du C.N.R.S. devenu professeur n'aboutit pas forcément à une carrière artistique, même tardive.

C'est sous la forme d'une activité de loisirs que le virus de la photographie s'empare de Joffre, qui abandonne le cinéma d'amateur en 1975, pour se consacrer à la photographie en couleur.

La vision de Jacques Joffre est essentiellement plastique et esthétique. Cet homme calme aime les images "ordonnées", qui privilégient les beautés du monde. Il refuse " le vulgaire, le sordide et la photo4em'oignage prise rapidement, sans recherche esthétique ". Pour lui, la priorité est à la couleur. Couleurs actives sur fond neutre. Le choix des éléments inclus dans le cadrage est volontairement restreint : c'est un facteur de lisibilité de la photographie et de maîtrise de l'auteur.

Le fait d'habiter le Maroc aide beaucoup Joffre dans ses réalisations. Le fait de pouvoir retourner dans des lieux qu'il a repérés, et d'y aller quand il se passe " plein de choses " est un élément déterminant pour son travail. Le Maroc est un pays rare, par sa beauté, sa lumière et son peuple, que le photographe affectionne particulièrement. Beaucoup de ses images sont réalisées dans l'Atlas, chez les Berbères, restés " authentiques "depuis des siècles.

" Croyez-moi, chez les tribus Aït Haddidou, les rites, les coutumes, ce n'est pas du folklore pour touristes. D'abord, pour parvenir chez eux, il faut aller dans la montagne et faire 4 ou 5 heures de piste, et là-haut, il n'y a pas d'h6tel... Le Moussem, qui dure trois jours, est une sorte de marche', de f6ire. Cela a un caractère économique, mais c'est aussi religieux... Je me déplace pour des mariages ou des événements de la vie sociale... Je ne cours pas après les sujets ".

Jacques Joffre dit de ses photos qu'elles sont " mises en scène " : par des cadrages serrés, des compositions équilibrées, des couleurs peu nombreuses mais actives. Bien qu'il fasse peu de noir et blanc, sauf dans l'éventualité de virages et de teinture par le procédé "Colorvir", Joffre, sa technique de chimiste l'y incite, affectionne le laboratoire, où il manipule ses diapositives originales au moyen de paraglyphes (1), de surimpressions et de sandwiches.

Toutes ces recherches, cette élaboration, cette création sont en accord profond avec sa formation de chercheur en chimie.

Ce travail, souvent méticuleux, nous a permis de vous montrer autre chose qu'un simple reportage sur le Maroc, car, après tout, Joffre nous donne des images qui sont la représentation d'un environnement, quotidien pour lui-même, mais pour nous très original.

Jacques Marchois

(1) Paraglyphe. Contretype négatif sur film trait monté en superposition avec la diapositive originale.



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